Il y a des événements qui ne se racontent pas vraiment.
Ils se déposent.
Ils traversent.
Ils bouleversent doucement, comme une vague qui retire le sable sous les pieds
sans qu’on ait vu la mer monter.
Après une expérience de mort imminente, deux semaines plus tard, en Australie,
quelque chose s’est ouvert.
Je participais à une « retraite », je n’avais rien a voir avec cet univers bobo-spirituel.
Yoga, Reiki, méditation – tout ce langage qui n’était pas le mien.
Je suivais les mouvements, les silences comme on me le demandait.
Et un soir, ça a traversé mon corps.
Pas une idée, pas une émotion :
un courant.
Un mouvement vertical, brûlant et paisible à la fois,
qui montait et sortait par ma tête
comme si quelqu’un avait retiré le couvercle du monde.
Devant moi, sans images nettes,
des morceaux de mon histoire se sont rassemblés.
Des éclats qui n’avaient jamais coïncidé se sont mis en place,
comme un puzzle qui se construit d’un seul geste.
Des souvenirs, des éclats de voix, des déclics
Je comprenais tout et rien à la fois.
Je voyais le fil.
Je sentais surtout que je n’avais jamais été seul. Que je n’étais pas seul ou plus seul
Pas besoin de nommer ça.
Kundalini, révélation, vision…
Et le rire me gagnait, un rire sans nomenclature qui venait du fond
Il riait de moi, de mon histoire, de mes souffrances, de mes questions — un rire qui libérait tout ce que je croyais tenir encore.
J’étais là, dans la rue au milieu d’un rond point, les bras ouverts le corps en trans douce
Sur le point le plus à l’Est du continent Australien, Cap Byron
Ce que je peux dire, en revanche —
ce qui appartient au monde concret, mesurable, clinique —
c’est qu’à partir de ce jour-là,
j’ai arrêté toutes mes addictions d’un seul coup.
Vingt ans d’alcool,
de cocaïne,
de hashish sans modération…
Éteints.
Net.
Comme un interrupteur qu’on bascule.
Clac.
Aucun manque.
Aucune carence.
Aucun combat.
Pas de sevrage, pas d’effort.
Juste la sensation claire que ce chemin-là
avait servi jusqu’au jour exact où il devait finir.
Depuis, quand on me dit que ce n’est pas possible,
que personne n’arrête tout comme ça…
je ne sais jamais quoi répondre.
Parce que la poésie de ce moment,
et la clinique de ce fait,
ne s’opposent pas.
Elles témoignent simplement
Et le corps transcende — simplement.



